Les accords de maintien dans l’emploi – Présentation et Illustration à travers Alitalia

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Un accord « de solidarité » vient d’être conclu entre la compagnie italienne Alitalia et les syndicats. L’objectif est clair : baisser les salaires pour éviter les licenciements. Dans un contexte économique morose (chute de la demande sur le marché italien, dette d’un milliard d’euros, perte nette de 157 millions d’euros, chiffre d’affaires en baisse…), la pérennité de l’entreprise aérienne est effectivement en jeu. Après sa faillite en 2008 et sa fusion avec Air One, un nouveau plan de redressement doit d’ailleurs être présenté fin juin. D’une durée de 2 ans, l’accord de solidarité concerne 2 200 personnes et doit permettre d’éviter la suppression de 630 emplois. Il prévoit 5 jours travaillés en moins mensuellement et une baisse de 50 à 60 euros dans les rétributions. Le PDG Gabriele Del Torchio avait montré l’exemple puisqu’en mars 2013, il avait réduit son salaire de 20% et celui des cadres dirigeants de 10%. Comment ne pas voir dans cet exemple étranger une illustration de ce que seront les futurs accords de maintien dans l’emploi prévus par la loi de sécurisation de l’emploi de 2013 (non encore promulguée) ?

A l’image des accords solidarité d’Alitalia, il s’agit – à travers les accords de maintien dans l’emploi – d’ « encourager des voies négociées de maintien de l’emploi face aux difficultés conjoncturelles » (V. Section 2 de la loi de sécurisation de l’emploi, définitivement adoptée le 14 mai mais faisant actuellement l’objet d’un recours constitutionnel reportant ainsi sa promulgation). La loi retranscrit l’article 18 de l’Accord National Interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013 de sécurisation de l’emploi. En effet, cet article 18 prévoit qu’en cas de graves difficultés conjoncturelles et afin de favoriser le maintien dans l’emploi, les entreprises peuvent conclure des accords majoritaires permettant des ajustements sur le temps de travail ou les salaires. En contrepartie, l’employeur s’engage à préserver l’emploi pendant la durée de l’accord, c’est-à-dire au moins 2 ans. En cas de refus du salarié des mesures prises par l’accord, un licenciement pour un motif économique est possible mais le salarié bénéficiera alors des mesures d’accompagnement définies dans l’accord. Cet article 18 de l’ANI sera retranscrit aux futurs articles L. 5125-1 à L. 5125-7 du Code du travail.

Afin de le présenter, quatre remarques seront faites. L’accord de maintien de l’emploi ne peut s’inscrire que dans un contexte de crise (1), il doit être donnant-donnant et véritablement majoritaire (2), des garde-fous sont prévus (3) et les répercussions de cet accord sur la situation individuelle du salarié sont inédites (4).

1) Un contexte de crise : Un accord de maintien de l’emploi est conclu lorsque l’entreprise connaît de graves difficultés économiques conjoncturelles dont le diagnostic est analysé avec les organisations syndicales de salariés représentatives. Un expert-comptable peut être mandaté par le comité d’entreprise pour accompagner les organisations syndicales dans l’analyse du diagnostic économique de l’entreprise et dans la négociation de l’accord.

2) Un accord donnant-donnant et véritablement « majoritaire » : un accord d’entreprise peut, en contrepartie de l’engagement de la part de l’employeur de maintenir les emplois pendant la durée de validité de l’accord, aménager, pour les salariés occupant ces emplois, la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition ainsi que la rémunération.

Pour être valide, un tel accord doit être signé par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants (au lieu des 30% habituels pour les autres types d’accords).

Lorsque l’entreprise est dépourvue de délégué syndical, l’accord peut être conclu par un ou plusieurs représentants élus du personnel expressément mandatés à cet effet par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans la branche dont relève l’entreprise ou, à défaut, par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel.

A défaut de représentants élus du personnel, l’accord peut être conclu avec un ou plusieurs salariés expressément mandatés à cet effet par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans la branche dont relève l’entreprise ou, à défaut, par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel.

L’accord signé par un représentant élu du personnel mandaté ou par un salarié mandaté est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés, dans les conditions déterminées par cet accord et dans le respect des principes généraux du droit électoral.

3) Des garde-fous : L’application des stipulations de l’accord ne peut avoir pour effet ni de diminuer la rémunération, horaire ou mensuelle, des salariés lorsque le taux horaire de celle-ci, à la date de conclusion de cet accord, est égal ou inférieur au taux horaire du SMIC majoré de 20 %, ni de ramener la rémunération des autres salariés en dessous de ce seuil. L’accord prévoit les conditions dans lesquelles les dirigeants salariés, les mandataires sociaux et les actionnaires fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux autres salariés.

L’accord prévoit également des mesures d’information. En effet, les modalités de l’organisation du suivi de l’évolution de la situation économique de l’entreprise et de la mise en œuvre de l’accord doivent être prévues, notamment auprès des organisations syndicales de salariés représentatives signataires et des institutions représentatives du personnel. Enfin, les salariés et les organes d’administration et de surveillance de l’entreprise doivent être tenus informés quant l’application et au suivi de l’accord.

L’accord est temporaire et « réversible ». La durée de l’accord ne peut excéder deux ans. Pendant sa durée, l’employeur ne peut procéder à aucune rupture du contrat de travail pour motif économique des salariés auxquels l’accord s’applique. L’accord doit aussi prévoir les conséquences d’une amélioration de la situation économique de l’entreprise sur la situation des salariés, à l’issue de sa période d’application ou dans l’hypothèse d’une suspension de l’accord pendant son application.

L’accord contient une clause pénale. Celle-ci s’applique lorsque l’employeur n’a pas respecté ses engagements, notamment ceux de maintien de l’emploi. Elle donne lieu au versement de dommages et intérêts aux salariés lésés, dont le montant et les modalités d’exécution sont fixés dans l’accord.

L’accord peut être suspendu par décision du président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, à la demande de l’un de ses signataires, lorsque le juge estime que les engagements souscrits, notamment en matière de maintien de l’emploi, ne sont pas appliqués de manière loyale et sérieuse ou que la situation économique de l’entreprise a évolué de manière significative.

Chaque année, le Gouvernement remet au Parlement un rapport portant évaluation des accords de maintien de l’emploi

4) Les répercussions de l’accord sur la situation individuelle des salariés : L’accord détermine le délai et les modalités de l’acceptation ou du refus par le salarié de l’application des stipulations de l’accord à son contrat de travail.

Pour les salariés qui l’acceptent, les stipulations de l’accord sont applicables au contrat de travail. Les clauses du contrat de travail contraires à l’accord sont suspendues pendant la durée d’application de celui-ci.

Lorsqu’un ou plusieurs salariés refusent l’application de l’accord à leur contrat de travail, leur licenciement repose sur un motif économique. Il est prononcé selon les modalités d’un licenciement individuel pour motif économique et ouvre droit aux mesures d’accompagnement que doit prévoir l’accord.

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